Projet de recherche du LabArc | ||
Thématique générale : Archéologie, technologies et sociétés L’archéologie est le seul moyen qui permet de retracer la préhistoire mais aussi le seul à même de restituer le passé de très nombreux peuples protohistoriques et historiques du Gabon. En dépit d’exemples remarquables, les souvenirs s’effacent rapidement de la mémoire collective, se transforment sous la pression des intérêts immédiats ou se dissolvent dans les récits plus ou moins mythiques. Cette constatation, lourde de conséquences, justifie l’importance de l’archéologie dans un pays comme le Gabon où les sources sont essentiellement orales et les archives écrites sont inexistantes avant l’arrivée des Européens. De ce fait, Il apparait important de s’intéresser à toutes les formes tangibles et visibles qui conservent la trace d’une activité de l’homme abandonnées par celui-ci sur l’ensemble du territoire gabonais pendant sa longue histoire et de les décrypter. Les sociétés anciennes du Gabon sont abordées dans un paradigme technologique. Le « tout socio-culturel » est appréhendé à partir du domaine spécifique des techniques. C’est donc dans le cadre des chaînes opératoires organisant toutes les activités liées à la taille de la pierre, à la fabrication de la céramique, à la métallurgie du fer que les étapes de l’approche technologique sont présentées. La technologie est prise dans son acception préhistorique, à savoir l’analyse de l’ensemble des procédés employés pour produire un outil ou une arme. En s’appuyant sur l’observation des stigmates, il s’agit d’interroger, comme Jacques Tixier et al., les vestiges matériels « afin qu’[ils] livrent le maximum d’informations pour décrypter leurs aventures » (Tixier et al. 1980 : 7). La technologie s’attache à reconnaître les processus d’acquisition, de transformation, d’utilisation et de consommation des divers matériaux et produits de la nature en se fondant sur le concept de chaîne opératoire. La démarche, qui pourra être adaptée à d’autres types d’archéofacts (céramique, métallurgie du fer, etc.), est celle de l’analyse des industries lithiques. Elle consiste à reconstituer et à ordonner l’ensemble des événements ayant affecté un bloc de matière première depuis sa sélection jusqu’à l’abandon définitif des éléments qui en proviennent. A chaque niveau de l’analyse, les processus techniques concernant l’acquisition, la fabrication et l’utilisation des objets sont reconstruits en chaînes opératoires spécifiques qui permettent d’envisager tout le registre des autres activités techniques d’acquisition, de consommation et de transformation réalisées par un groupe dans un habitat donné ; leur interaction conduit ensuite à reconstituer l’ensemble de leur « système technique » et, par le biais des analyses spatio-temporelles, à s’interroger sur leur organisation sociale. Ce paradigme analytique, dit « technologique », regroupe une variété d’outils d’analyse : L’approvisionnement en matières premières, La chaîne opératoire, les remontages, la taphonomie, l’expérimentation, la tracéologie, L’analyse spatiale, etc. Voici, brièvement quelques caractéristiques de ces outils. L’analyse des ressources (biotiques et abiotiques) corrélée avec les données obtenues sur la saisonnalité, la durée et la matière de chaque occupation, permet de tenter une reconstitution des stratégies économiques des groupes humains préhistoriques. La chaîne opératoire s’intéresse aux techniques et à la technoéconomie. Elle s’avère utile dans l’étude des sociétés préhistoriques et historiques du Gabon dont les témoins sont constitués des vestiges d’activités techniques. Les chaînes opératoires prennent en compte trois ordres d’éléments : les pièces, les successions de gestes ou séquences techniques, les connaissances spécifiques. Les différentes chaînes dans leur ensemble constituent le système technique d’un groupe humain sur un site donné. Ce concept s’avère méthodologiquement efficace pour organiser les données archéologiques et les informations manquantes en tant qu’éléments et/ou phases des différentes chaînes opératoires. Les remontages des vestiges archéologiques se révèlent d’une importance décisive pour la compréhension taphonomique des processus d’accumulation et l’évolution post-dépositionnelle des vestiges. La constitution d’ensembles de vestiges remontés produit les liens (à valeur spatiale et temporelle) sur lesquels se fondent les analyses qui permettent de restituer l’organisation spatiale, la fonctionnalité et la dimension temporelle du site. La taphonomie constitue une exigence critique des unités stratigraphiques. Les niveaux archéologiques préservés ne reflètent pas directement les comportements et leur interprétation n’est possible que par le biais d’une compréhension des processus de leur formation et évolution post-dépositionnelle (Binford, 1981 a et b ; Villa, 1982 et 1983). L’expérimentation permet de reconstituer les techniques employées, de déterminer l’outillage de l’artisan, les schémas opératoires mentaux et les degrés de compétence technique. En conséquence, l’expérimention directe est indispensable pour la résolution des problèmes particuliers posés par cette orientation technologique des études d’artefacts archéologiques. La possibilité de conduire des études tracéologiques des stigmates d’usure des zones actives des outils archéologiques permet de dépasser le caractère purement inductif des « attributions » fonctionnelles d’ordre typologique. L’analyse spatiale de la répartition des vestiges, en liaison avec les résultats de remontage et les analyses technologiques et tracéologiques, est décisive pour la compréhension de l’organisation spatiale et fonctionnelle du site (Leroi-Gourhan et Brézillon, 1966 et 1972). L’utilisation conjointe de ces outils analytiques permet d’identifier la variabilité fonctionnelle, les types d’activités (Cahen et al, 1979) et même des déplacements d’objets et d’individus dans un espace qui devient ainsi structuré par la diversité fonctionnelle des différentes zones et par les rapports dont témoignent ces déplacements d’objets et de personnes (Leroi-Gourhan et Brézillon, 1966). Par ailleurs, la démarche interprétative intègrera la totalité des vestiges disponibles (archéofacts et écofacts). Les sites archéologiques ont évolué dans un contexte naturel quaternaire qu’il convient de mettre en évidence. Ainsi pourra-t-on envisager l’environnement des sites. Il s’agira de relier les sites à leur environnement immédiat en précisant la répartition spatiale des caractéristiques présentant un intérêt potentiel pour les sites étudiés, à savoir la nature pédologique des sols, l’hydrographie, les ressources minérales, les ressources végétales (bois de chauffe ou de construction, baies, fruits, etc.) et les ressources animales (poissons, gibiers, etc.)(Gallay 1986). Autrement dit, il sera question de définir leur catchment , qui désigne par extension la zone géographique d’où les occupants des sites tirent leur approvisionnement en vivres et matières premières. Cet environnement naturel ancien de l’Homme est reconstitué grâce aux approches pédologique, géologique et palynologie. L’approche archéozoologique sera prise en compte d’autant plus qu’elle place l’étude des vestiges fauniques au centre de la compréhension des options économiques fondamentales des groupes : stratégies cynétiques, types d’acquisition, traitement du gibier, saisonnalité des chasses (période et durée) et implications pour les déplacements du groupe sont des questions primordiales (Enloe et David, 1989 ; Fontana, 1998). La fonctionnalité des occupations de sites pourra ainsi être envisagée afin de proposer leurs intégration dans des stratégies économiques régionales (Hofman, 1992 ; Fontana, 1998). En définitive, l’approche technologique proposée permettra de mettre en valeur les sociétés anciennes du Gabon. Au-delà de la reconnaissance des concepts de fabrication et l’inventaire des activités, les informations fournies aux différents niveaux de l’analyse technologique doivent être évidemment replacées, en les combinant, à l’intérieur des diverses chaînes opératoires d’acquisition, de fabrication, de transformation et de consommation. Réintégrées au contexte général d’un site, elles deviennent la source de multiples interprétations qui dépassent largement le domaine technique. Ainsi peut-on aborder des nombreux aspects parmi lesquels l’espace temps à travers le contrôle stratigraphique et la contemporanéité des occupations, la dynamique des dépôts ; l’estimation du temps de travail, l’organisation de l’espace dans les habitats, les niveaux de technicité des individus, l’identification des individus et la composition du groupe ; les aspects neurophysiologiques et cognitifs. Ce projet général se déclinera en plusieurs actes sous la forme de projets dont le premier portera sur un inventaire du patrimoine archéologique du Gabon puis, progressivement, il se déroulera à travers le choix et de la définition de sous-thèmes et de programmes de recherche plus précis. « Pendant longtemps le gisement archéologique est resté l’unique sujet d’intérêt des archéologues. Progressivement pourtant s’est imposée la nécessité de relier le site, (…), à son environnement immédiat. Ainsi est née l’analyse du catchment, terme anglais emprunté à l’hydrologie et désignant le bassin d’alimentation d’un fleuve. Par extension le catchment désigne la zone géographique d’où l’occupant d’un site tire son approvisionnement en vivres et en matières premières. L’analyse territoriale d’un site repose sur [plusieurs hypothèses parmi lesquelles] :- les populations humaines ont des territoires d’approvisionnement délimités dans l’espace. - Ces territoires, bien que variables en forme et en extension, possèdent des frontières reconnaissables. - Les causes de ces limites sont identifiables. Elles sont en rapport avec la croissance du coût ou de la difficulté de l’exploitation. Plus une ressource est lointaine, plus son exploitation est devient coûteuse en énergie individuelle et en temps. Il y a donc une relation entre la capacité de l’homme à exploiter une ressource avec profit et la dépense d’énergie nécessaire à cette exploitation. Il existe donc des limites au-delà desquelles l’exploitation n’est plus rentable. - La distance est la variable à travers laquelle ce facteur opère. Elle est en effet fonction du temps disponible et de l’énergie investie dans le déplacement. Il existe donc des limites à son accroissement. Le temps ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour un aller-retour journalier. L’énergie dépensée dépend du moyen de transport qui, dans la plupart des cas, est la marche » (Gallay 1986 : 261-262). En se fondant sur des données ethnographiques, M. Chisholm et R.B. Lee situent ces limites territoriales à deux de marche, soit un rayon de 10 km en terrain plat pour les sociétés de chasseurs cueilleurs (Gallay 1986). Pour les collections privées enfouis dans les habitations ou les arrière-cours, on pourra s’appuyer sur une campagne d’information et d’invitation à les mettre au jour. |
||
Accueil |